Dans la forêt du Sahara, le Martien et moi eûmes tout juste le temps d'entre-apercevoir l'infinie variété de la multitude d'arbres qui nous entouraient, qui lui rappelèrent avec nostalgie le passé de sa planète. En un clin d'oeil, tout cela disparut autour de nous et le remous galactique nous ramena à notre époque, d'abord, là où on trouve les Cannisses attaquées et, une fraction de seconde plus tard, dans l'immense désert qu'est notre Sahara contemporain.
Le Martien crut d'abord qu'il venait à nouveau d'être télé-transporté mais une laborieuse discussion avec un chameau du coin nous indiqua que nous avions bougé non pas dans l'espace, mais dans le temps (ne me demandez pas ce qu'ils se dirent, je ne comprends ni le martien, ni le chameau).
Nous nous mîmes à marcher dans le désert et ayant trouvé un groupe de palmiers sous lesquels un barman servait des rafraîchissements, nous arrêtâmes pour nous reposer. Évidemment, c'était un mirage mais, quoi qu'on en dise, c'est beaucoup moins chaud à l'ombre d'un mirage de palmier qu'en plein soleil. Le plus dur, c'était de s'asseoir sur les mirages de chaises mais, avec un peu de pratique, on finissait par y arriver.
Le court aperçu de la future forêt du Sahara et sa comparaison avec le désert dans lequel nous nous trouvions nous amena à philosopher sur les tours et détours du destin et sur l'absence de la présence de la forêt à notre époque alors que nous avions très bien vu l'immense jungle que deviendrait le Sahara dans 53 ans (d'après les indications de son tempo-chronomètre digital portatif de poche ignifuge et IndigloTM ).
Pendant que nous philosophions, il m'expliqua que contrairement à la Terre où l'intelligence s'est développée à partir des formes de vie animale, sur Mars, l'évolution avait plutôt favorisé la vie végétale (ce qui explique particulièrement bien le fait archi-connu que tous les Martiens sont verts).
Après plusieurs heures d'une discussion animée, nous nous sommes respectivement rendu compte que les Terriens descendaient des singes alors que les Martiens descendaient des arbres! Son métabolisme particulier était encore plus étrange que celui de la plupart des Martiens. Rappelez-vous, son père était Pyro! Comme chacun le sait, l'évolution sur la planète Apyre (la planète des Pyros) s'était faite à partir des minéraux. Cela faisait donc du Martien un être mi-végétal, mi-néral. Malgré ses vastes connaissances en botanique (qui pour lui est de la physiologie), il ne réussissait pas à s'expliquer qu'une forêt aussi dense aie pu couvrir le Sahara tout entier (en une cinquantaine d'année) à partir de la nudité totale du désert environnant.
Comme le savent tous ceux qui philosophent régulièrement (même dans des mirages de brasseries), la philosophie a très souvent un effet diurétique qui augmente en relation directe avec la durée du philosophage. En tout cas, moi c'est ce qui m'arrive alors que d'autres attribuent ça à la bière! De toutes façons, nous n'avions bu que des mirages de bières! Comme mes yeux devenaient de plus en plus jaunes et que les siens avaient pris une curieuse teinte bleue, nous nous éloignâmes de part et d'autre pour soulager de leurs fardeaux respectifs nos organes internes qui accomplissent cette fonction.
Quelques minutes plus tard, en zigzaguant, nous sommes revenus sous les palmiers et je notai que ses yeux étaient revenus à leur couleur verte naturelle. Nous tenions à peine debout (un autre effet secondaire du philosophage) et comme ni l'un ni l'autre n'étions en mesure de conduire, nous appelâmes Nez- Rouge pour venir nous chercher. Le fait que nous n'avions pas de véhicule ne nous a même pas effleuré l'esprit. Malheureusement, Rudolph étant retenu ailleurs, le Père Noël dut se déplacer lui-même pour venir nous chercher dans son traîneau en compagnie de tous les autres rennes.
Évidemment, comme c'est souvent le cas à ce temps-ci de l'année, il était un peu pressé et nous eûmes à peine le temps de sauter à bord du traîneau que déjà, il s'envolait vers le nord. Curieusement, en passant au dessus de l'endroit où le Martien avait retrouvé la couleur normale de ses yeux, de nombreux brins d'herbes et quelques minuscules arbustes semblaient jaillir du sable du désert.
Encore un mirage?
À suivre ... Guy