Le Détective Public...

Enfin, les Vacances

Je suis ensuite monté de la cave jusqu'au deuxième étage. J'avais décidé d'emménager dans la vieille maison, question de commodité, mon enquête me rammenant toujours ici, le plus souvent à pied ou bien contre mon gré.

Dans ma chambre, confortablement étendu sur mon lit sans matelas, j'essayais d'élucider le mystère de la cave pleine de marchandises diverses lorsque tout à coup un bruit furtif éveilla ma prodigieuse attention. Un bruit venant de la porte, du bas de la porte. Quelqu'un venait d'y glisser discrètement une enveloppe. Il était rare que je reçoive du courrier depuis que j'habitais l'endroit.

C'est pas comme au temps ou j'avais mon bureau sur la rue Principale au coin de la rue Secondaire. J'aimais beaucoup ce capharnaüm de la lutte contre le crime, ses murs de plâtre au latex jaunis ou lambrisé de BC fir, ses meubles et classeurs de chêne foncé, mon fauteuil au cuir marron usé et surtout, ma porte vitrée.

Sur le verre dépoli de la porte était écrit en lettres d'or:


Evariste Aumolet, détective public,

notre devise

"le crime ne paie pas plus que nos clients".

Chaque matin d'une nouvelle journée, oh bonheur! ma boîte aux lettres était joyeusement pleine de comptes et factures de toutes sortes. Maintenant que j'habitais cette triste maison, je recevais rarement autre chose que le Publisac. J'avais cette lettre légèrement parfumée de Havane dans les mains et j'allais l'ouvrir. C'était une invitation, pour le prochain week-end, au chalet de Thérésa Buza sur l'Ile de Cayo Caca (au large de Cuba et ainsi nommée parce que le courant amène les égouts de la Floride sur son rivage).

J'allais devoir voyager dans une caisse dans la soute à bagages par souci d'économie et d'anonymat. Ces courtes vacances allaient me faire beaucoup de bien. Deux jours plus tard Le voyage me parut terriblement long et les cinqs escales me firent souffrir. J'aurais donc dû comprendre que la flèche sur la caisse indiquait le haut.

De retour sur mes pieds, le tête en haut, dans un hangard de la Cayo Caca Trafic Air Line, j'allais me plaindre quand la belle Thérésa (puisque c'était ma Vénus) me confiat qu'elle avait fait un voyage aaaaafreux. Pauvre elle, elle me dit que la première classe n'était plus ce qu'elle était; le champagne n'était pas assez frais, le caviard était trop salé, les Ritz pas très croustillants et qu'ayant eu un vol sans escale elle avait dû m'attendre au bar de l'aéroport.

Son chalet était une splendide villa art déco de 21 pièces sur le bord de l'océan. Un vent chaud et caressant transportait ses effluves tropicaux sur la terrasse. J'étais très fier d'avoir le garage pour moi tout seul (à part les voitures), plus près de la plage et différentes étaient les odeurs (ça c'est du VLB).

En soirée, après qu'elle eût terminé de manger ses langoustines au coulis de fruit frais, moi mes binnes au baloné épais. Un confit de canard aux juliennes glacées, moi mon foie de lard aux frites congelées. Ses poires pochées au champagne crème vanillée, moi mon Jos Louis au Dream Whipp fouetté. Elle, sur sa terrasse, ses jolis pieds dans le spa, moi j'avais ouvert la porte du garage et allongé mes jambes sur une pile de pneus.

Elle me dit enfin le but de mes vacances dans l'île; une croisière en chaloupe pour aller livrer, expliqua-t'elle, des souliers aux enfants pauvres de Cuba, son île natale.

Les 150 boites de souliers étaient déjà dans la frêle embarcation et elle me suggéra de ne pas ouvrir les boîtes et de partir tout de suite pour profiter d'une nuit sans lune parce que ses bonnes oeuvres devaient rester anonymes.

En ramant les 75km qui me séparaient de Cuba, j'ai eu le temps d'effacer les doutes que j'avais eus à son égard. Elle donnait des souliers aux enfants des rues. Ma vénus était une bienfaitrice, une mère Thérésa, quelle beauté mystérieuse et comme elle cachait bien sa générosité. Pendant que ces douces images enchantaient mon ramage, le soleil se levait doucement derrière les gros nuages gris qui tourbillonaient en s'approchant tandis qu'un bateau arrivait rapidement de l'autre côté pour m'acceuillir sans doute, comme un héros.

Jean-Marc


Suite

Précédent

Accueil