Le Détective Public...

Manuel d'Instructionne

Comme nous étions de nouveau à Cayo Caca, je décidai qu'il fallait avant toutes choses faire le point sur bien des points...

Tout d'abord il fallait trouver ce qui était arrivé au chauffeur asiatique; s'il avait été enlevé? par qui? Sinon, pourquoi m'avait-il laissé en plan dans le coffre de la VW. J'étais sûr que ma Thérésa ne trouverait pas ça de très bon goût.

Je me rendis donc sur la Grande Allée où j'avais laissé la VW pour pouvoir l'examiner à ma guise. Une surprise m'attendait. De la VW il ne restait guère que la carcasse montée sur des cailloux; j'ai immédiatement pensé à dire Ya beda bedou mais ce n’était vraiment pas le temps... Pourtant, ce qui restait de la voiture me redonna toutefois confiance en mon chauffeur asiatique. Je remarquai que l'auto avait, au départ, un vice de fabrication. Le tuyau d'échappement était ramené à l'intérieur du coffre avant, pour garder l'habitacle chaud tout en n'ayant pas à utiliser la chaufferette à carburant et ainsi diminuer la consommation. Malheureusement, ceci pouvait devenir très désagréable, voire même dangereux pour quelqu'un qui serait appelé à voyager dans le coffre et de plus, c'était totalement inutile d'avoir une chaufferette à Cayo Caca, où il fait environ 37,24o à l'ombre, la nuit, quand il n'y avait pas de lune. En examinant plus attentivement, on voyait même des traces de soudures sur le tuyau, ce qui démontrait que je n'étais pas le seul à avoir voulu remédier à cet état de choses. Je ne vis pas grand chose d'autres même en utilisant ma loupe à zoom 2X à 32X intégré que j'avais extirpé, comme le dirait un de mes collègues, de mon canif scout miniature.

Toutefois, ceci ne réglait en rien ma situation. Je devais vraiment aller voir Sam Usa à Médépan, mon chauffeur asiatique était disparu, mon truand était peut-être dans les parages mais il ne me reconnaîtrait sûrement pas, ma tête étant maintenant coiffée d'un grand Stetson gris bleu qui allait très bien avec ma pommade à lèvres violette et mon gant noir. À première vue on aurait cru que j'étais un étranger à Cayo Caca. D'ailleurs, à Cayo Caca, on parlait un dialecte local, mi-espagnol, mi-portugais, mi-italien et mi-russe qui me rappelait une vieille radio portative que j'avais jadis eu et qui diffusait huit postes à la fois. Je décidai alors d'aller à la gare d'autobus et de m'informer de l'heure des départs pour Médépan. Le prochain départ était planifié pour 18:00 heures et l'autocar allait passer par ce qu'ils appelaient l'autoroute de la jungle. J'avais donc 3 heures pour aller me rassasier avant de partir, ce que je fis subito.

Je trouvai une petite cantina qui me sembla adéquate au premier coup d'oeil, malgré la présence, dans le coin droit, d'un borgne qui louchait. Comme j'avais grand faim, je commandai en montrant du doigt ce que mangeait un sympathique malabar assis à la table voisine. On m'apporta aussitôt une "potage aux couleurs" (d'après ma traduction) que je me mis aussitôt à ingurgiter bruyamment en suivant l'exemple de mon voisin de table. La soupe avait un drôle de goût et semblait changer continuellement de couleur, mais je me forçai à tout manger par politesse et pour ne pas vexer mon voisin bruyant qui me regardait avec un drôle d'air. Quand j'eus fini la dernière cuillerée de ma fameuse soupe. Mon voisin me demanda alors si c'était la première fois que je mangeais de la soupe de caméléon. Pour bien lui montrer que j'étais habitué à ce genre de repas, je changeai aussitôt de couleur!

Il s'esclaffa aussitôt d'un grand rire tonitruant qui me rappela mélancoliquement celui de mon vieil ami le chauffeur de taxi que je n'avais pas revu depuis plusieurs épisodes. Tout en me tapant dans le dos en riant, il attira ma chaise vers sa table et m'enfonça entre les lèvres le goulot d'une bouteille de rhum dont j'ingurgitai malencontreusement la moitié du contenu. Je me mis aussitôt à avoir le hoquet, ce qui le fît rire de plus belle. J'essayai alors de me lever mais, l'alcool faisant effet, je m'effondrai sur la table, sur le dos, et ne pus me relever. J'avais sûrement l'air d'un alcoolique mélancolique souffrant de coliques.

Pendant les deux heures suivantes, j'écoutai rire mon malabar pendant qu'il s’abreuvait généreusement à même la bouteille mais je n'osais pas ouvrir les yeux tant la pièce tournait. Malgré tout le temps où il s'amusa à mes dépends, je ne lui en voulus pas; son rire était si sympathique. Je sentais pourtant sur moi le regard louche du borgne qui n'avait cessé de m'observer depuis mon arrivé à la cantina. Je réussi finalement à expliquer à mon sympathique nouvel ami qu'il fallait absolument que je prenne l'autocar pour Médépan et que j'allais sûrement le rater, dans l'état ou j'étais. J'eus raison de lui dire cela, il s'empressa alors de prendre mon portefeuille pour payer son addition et la mienne ainsi qu'un fort généreux pourboire et me porta sur ses épaules jusqu'à l'autocar qui s'apprêtait à partir. Comme je m'affaissais dans le banc de l'autocar qui démarrait en pétaradant; par la fenêtre, je l'entendis me crier de revenir le voir (et le faire rire) bientôt et que pour le trouver, je n'avais qu'à demander Sam, même si pour de vrai il s'appelait Manuel.

Marc/Guy


Suite

Précédent

Accueil