Le Détective Public...

Noël

Comme je l'avais déjà fait auparavant, je m'installai confortablement dans la vieille maison. J'optai pour une des multiples pièces complètement vides afin de ne pas troubler ma concentration. Je me mis alors à réfléchir intensément à la situation. Comme je suis très perspicace, je me suis vite aperçu que si après tant d'épisodes, nous ne savions pas encore où nous allions, c'est que nous n'allions nulle part; je pris donc la décision de faire ce qui s'imposait dans de telles circonstances; j'attendis!

Au bout de quelques heures, tanné d'attendre et comme rien de nouveau n'arrivait, sans grande conviction, je me résolu à examiner une fois de plus les pièces à conviction. J'avais encore un petit creux; je n'avais rien mangé depuis ma soupe au caméléon, quelques épisodes auparavant. Je vis alors au fond de la pièce une vieille bicyclette à dix vitesses avec les freins dans un drôle d'état. J'en arrachai donc un et commençai à le ronger tout en étalant les pièces à conviction sur le plancher derrière moi, car il y faisait plus clair puisque je tournais le dos à la fenêtre.

Je m'aperçus rapidement que j'aurais de la difficulté à les examiner adéquatement dans cette position alors je les ramassai toutes, me retournai et les étendis devant moi cette fois; c'était définitivement beaucoup plus efficace de cette façon. Toutefois, même bien installé comme je l'étais, je ressentis quand même une grande insatisfaction et je m'aperçus tout de suite que ce n'était pas mon frein que j'étais en train de ronger mais bien celui de quelqu'un d'autre. Je dois admettre que ronger son frein amène toujours un goût familier mais ronger celui d'un autre c'est vraiment du masochisme parce que ça goûte le guâbe... Je retournai donc le frein où je l'avais pris, non sans l'avoir léché une ou deux fois en le ramenant et je repris l'examen des pièces à conviction.

Je regardai d’abord le journal qui montrait la photo d’une petite colline en haut de laquelle se dressait une vieille maison délabrée qui apparaissait comme collée devant l’immense pleine lune juste derrière. La première fois, j'avais été amené là par mon sympathique ami le chauffeur de taxi alors que je sortais de l'hôpital, suite à une rencontre avec mon truand. Le journal en lui-même était très ordinaire et je l’avais ramassé dans une poubelle ordinaire au cours d’un de mes séjours ordinaires dans un parc des plus ordinaires. Je m'étais abrié de ce journal quand j'avais résidé dans ce parc lors de mon éviction de mon appartement, éviction qui avait immédiatement suivi ma première rencontre avec ma Vénus à bras, son décolleté vertigineux et son chauffeur asiatique obsédé par sa montre.

À part les souvenir qui y était rattachés et quelques besoins de pigeons, il n'y avait vraiment rien d’extraordinaire là-dedans. Je pris donc ma loupe, un de mes collègues dirait "J’extirpai ma loupe 2X avec foyer 6X de mon canif scout miniature" et je regardai plus attentivement le journal. Une chose attira énormément mon attention; les lettres de l’article qui parlait d’un meurtre qui avait eu lieu dans cette maison étaient beaucoup plus grosses que quand je n’utilisais pas de loupe; elles n’avaient toutefois rien d’anormales. Je réintirpai donc la loupe dans mon canif scout miniature et je constatai très rapidement que l’article était beaucoup plus facile à lire sans la loupe.

Quand j’ai eu fini de lire l'article, après m'être égaré plusieurs fois du côté des bandes-dessinées et avoir ri un bon coup quand Snoopy avait donné un coup de pied sur une canette. À part le fait qu'un peu partout des lettres avaient été découpées dans les gros titres, le journal était tout à fait ordinaire. Je lançai donc le journal dans le foyer et décidai de regarder les autres pièces à conviction; celles que j'avais trouvées lors de ma fascinante visite des multiples pièces de la maison.

Quelque part dans la maison, une horloge sonna les douze coups de minuit. Par la fenêtre, je voyais une neige légère tomber et je crus apercevoir un objet en forme de traîneau passer devant l'immense pleine lune juste derrière. Cela me rappela que c'était la nuit de Noël et que je n'avais rien préparé pour fêter l'événement. Devant moi s'étalaient le restant des pièces à conviction. Il y avait des SmartiesTM, une sorte de paille ou d'herbe odorifique qui me sembla être du tabac, mais ça ce n’était pas une pièce à conviction, et finalement un restant de JELL-OTM tout fondu, qui s’était répandu un peu partout dans mes poches. Il y avait aussi une vieille canne de flocons de dinde venant de je ne sais où et qui n'avait rien à voir avec cette histoire.

J'arrêtai là mon examen des pièces à conviction et décidai de procéder par élimination tout en me faisant un petit repas de Noël; le frein que j'avais rongé n'avait apparemment pas calmé suffisamment mon estomac. Avec les pièces à conviction déjà éliminées, je fis un petit feu dans le foyer. J'ouvris ensuite la canne de flocons de dinde et réveillonnai joyeusement en sa compagnie. Pour dessert, je fut tenté par le Jell-OTM mais finalement j'optai plutôt pour les SmartiesTM. Il y en avait de toutes les couleurs, les rouges n’eurent pas à attendre pour la fin mais je me gardai bien de toucher aux verts!

J'enfournai l'herbe odorifique quelconque dans une pipe que je trouvai sur le tablier de la cheminée du foyer et me mis tranquillement à la fumer tout en réfléchissant, comme le font tous les grands détectives depuis Sherlock Holmes. Je récupérai aussi une vieille bouteille de rhum, que j'avais dissimulée dans ma chaussette gauche avant de quitter la maison de ma Thérèsa. Je passai le reste de la nuit plongé dans mes réflexions, en me chantant en choeur, de temps à autres, de joyeux chants de Noël.

Marc/Guy


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